Les producteurs canadiens de cannabis s’activent en prévision de sa légalisation prévue en octobre, qui les fera sortir du marché noir et créera des emplois. Cette industrie de l’ombre propulsée sous le feu des projecteurs, notamment par le biais d’une couverture médiatique soutenue, attire l’attention de nombreux chercheurs d’emploi.
La mine de données d’Indeed est une précieuse source d’information pour mesurer les répercussions sur l’emploi de la légalisation du cannabis. Contrairement aux données traditionnelles, celles sur les recherches d’emploi traduisent directement l’intérêt des candidats pour ce secteur qui leur sera bientôt ouvert. De par la petite taille de cette industrie, les statistiques officielles ne suffisent pas pour en dresser un portrait fidèle, mais les données détaillées des offres d’emploi publiées sur Indeed dressent un portrait assez juste des postes à combler et de la demande des employeurs dans les différentes régions.
Les pics d’intérêt des chercheurs d’emploi coïncident avec les annonces importantes dans les médias
À la mi-juillet, les recherches associées à l’industrie du cannabis sur Indeed avaient quadruplé par rapport à la même période l’an dernier. Pour chaque tranche de 10 000 recherches faites au Canada en juillet 2017, à peine 6 utilisaient des mots-clés tels que cannabis, marijuana ou dispensaire, alors qu’un an plus tard on en compte 26.
C’est le mot cannabis qui est le principal responsable de cette hausse en termes de recherche. En effet, si cannabis et marijuana étaient utilisés à parts égales dans les recherches sur le secteur l’été dernier, le premier de ces deux termes s’est imposé à cinq contre un cette année.
La hausse de l’intérêt des chercheurs d’emploi a été tantôt lente, tantôt fulgurante. Les recherches d’emploi dans l’industrie du cannabis ont augmenté graduellement à partir de l’été 2017 avant de monter en flèche de 50 % au début de 2018. Cette poussée a suivi l’annonce de la hausse du cours des actions de plusieurs producteurs de cannabis canadiens, une hausse largement couverte dans les médias qui a fait croître la notoriété de l’industrie aux yeux du public. L’intérêt des chercheurs d’emploi s’est maintenu tout au long du premier semestre jusqu’à un nouveau bond de 40 % dans la foulée de l’annonce par Ottawa de la légalisation en octobre.
Les offres d’emploi affluent dans l’industrie du cannabis
Pour mesurer l’activité de l’industrie sur Indeed, nous avons dénombré toutes les offres de 150 entreprises qui avaient publié depuis juillet 2017 au moins une offre d’emploi dont l’intitulé contenait le mot cannabis ou un terme associé.
Il en ressort que le nombre d’offres d’emploi augmente à un rythme aussi spectaculaire que l’intérêt des chercheurs d’emploi. La proportion d’offres du secteur du cannabis par rapport au nombre total d’offres d’emploi au Canada est maintenant 3,2 fois plus élevée qu’en juillet de l’an dernier : pour la même tranche de 10 000 offres, elle a bondi de 8 à 25 offres.
Or, l’attention médiatique n’a pas eu le même effet sur le nombre d’offres d’emploi que sur l’intérêt des chercheurs d’emploi. En effet, c’est entre avril et le début mai que se situe le pic d’offres d’emploi, soit un bond de 50 % en quelques semaines. Celui-ci s’explique sans doute par l’approbation provisoire au Sénat du projet de loi C-45 à la fin mars, l’un des derniers obstacles dans la procédure de légalisation du cannabis.
Des emplois « verts » dans la production, la vente au détail et les soins de santé
Par le biais de stratégies d’embauche intensifiées, les entreprises canadiennes du secteur du cannabis recherchent des candidats de toutes sortes, mais principalement pour la culture et la vente.
Des dix postes les plus souvent annoncés en 2018, trois concernent la production : responsable de l’assurance de la qualité, adjoint à la production et tailleur. Le principal poste de soutien à la production est celui de technicien d’entretien, mais les emplois de plombier d’entretien et de technicien sanitaire se classent aussi dans les 25 plus populaires.
Cette année, le poste de conseiller en cannabis arrive deuxième au classement des emplois dans ce secteur. Dès octobre, ces personnes seront au service des consommateurs dans les points de vente privés ou publics, selon la province ou le territoire. Par ailleurs, l’emploi administratif le plus en demande est celui d’adjoint à la direction.
Enfin, alors que le secteur du cannabis médical est bien établi au pays, les cliniques qui en prescrivent cherchent à combler des postes d’infirmier, appréhendant sans doute l’afflux de demandes une fois que sera légalisé le cannabis à usage récréatif.
L’intérêt des chercheurs d’emploi est à son apogée en Colombie-Britannique, mais c’est en Ontario que les employeurs sont les plus actifs
On constate des écarts entre l’intérêt des chercheurs d’emploi et la demande des employeurs du secteur du cannabis dans l’ensemble du pays. Dans les quatre principales provinces, où ont été publiées plus de 100 offres d’emplois en 2018, l’intérêt relatif des chercheurs d’emploi ne concorde pas toujours avec la demande des employeurs.
En ce qui a trait à l’intérêt, la Colombie-Britannique se classe bonne première, devançant l’Alberta avec une part des recherches portant sur l’industrie du cannabis de 34 % supérieure à celle de sa voisine. Si on considère l’Ontario par rapport à l’ensemble du Canada, la proportion des recherches associées à l’industrie du cannabis dans cette province est un peu moindre que la proportion des recherches d’emploi, tous secteurs confondus, qui y sont faites. Les Québécois, enfin, affichent relativement peu d’intérêt pour ce secteur.
C’est en Ontario que la part d’offres dans l’industrie du cannabis est la plus élevée par rapport à l’ensemble des offres d’emploi. Plus de la moitié des emplois dans ce secteur s’y trouvent, car plusieurs des plus importants producteurs y ont leur siège. En Colombie-Britannique, la proportion d’offres d’emploi dans l’industrie du cannabis se situe dans la moyenne nationale, mais elle y est inférieure en Alberta et au Québec.
En conclusion, l’industrie du cannabis représente encore une mince part du marché de l’emploi canadien, mais elle a de l’avenir. Son évolution dépendra en partie des décisions politiques, qui détermineront par exemple qui sera autorisé à produire et à vendre de la marijuana. En outre, les risques encourus par les employés du secteur en séjour aux États-Unis pourraient en dissuader plus d’un de faire carrière dans le cannabis. D’ici octobre et une fois la légalisation entrée en vigueur, il sera intéressant d’évaluer l’influence de ces facteurs sur l’intérêt des chercheurs d’emploi et les besoins en effectifs des employeurs.
Méthodologie
Pour mesurer la recherche associée à l’industrie du cannabis, nous avons déterminé chaque mois, à compter de juillet 2017, la part des recherches effectuées en anglais par les chercheurs d’emploi au Canada contenant l’un des mots-clés suivants : cannabis, marijuana, dispensaire, herbe, et conseiller en cannabis, puis nous avons comparé ces recherches à l’ensemble des recherches.
Pour mesurer l’activité des employeurs, nous avons dressé la liste des entreprises ayant publié sur Indeed depuis le début de juillet 2017 au moins une offre d’emploi dont l’intitulé contenait l’un des termes ci-dessus ou encore tailleur et cultivateur. Après avoir éliminé les employeurs dont l’activité principale n’a rien à voir avec l’industrie du cannabis (par exemple les administrations municipales), nous avons fait la somme des offres des employeurs restants publiées depuis juillet 2017, que nous avons comparée au total des offres des employeurs dans l’ensemble du Canada. La liste des postes les plus courants a été dressée à partir de l’ensemble des offres d’emploi publiées par ces entreprises depuis le début de 2018.
Le classement des provinces résulte du calcul de la part des recherches et des offres d’emploi dans l’industrie du cannabis dans chaque province depuis le début de 2018 par rapport à l’ensemble des recherches et des offres d’emploi dans la province au cours de la même période. Seules les provinces où ont été publiées au moins 100 offres d’emploi dans ce secteur depuis le début de l’année ont été prises en compte.