Faits saillants
- La croissance de l’emploi au Québec a été forte pendant la majeure partie de 2019, le taux d’emploi des 15 à 64 ans atteignant un nouveau sommet, avant de retomber au quatrième trimestre.
- Vu le redressement du marché du travail et comme les postes vacants sont plus longs à pourvoir, le taux de vacance a bondi.
- Les travailleurs constatent la vigueur du marché du travail sur leur chèque de paie, qui augmente à un rythme soutenu depuis le milieu de l’année 2017.
Le marché du travail au Québec s’est bien porté pendant la majeure partie de 2019 avant de s’essouffler vers la fin de l’année. Le taux d’emploi a progressé à un rythme constant jusqu’au quatrième trimestre, et le taux de chômage a chuté au plus bas depuis des décennies. Les employeurs n’ont pas relâché leurs efforts d’embauche, alors que le taux de vacance a continué d’augmenter et les postes vacants prennent plus de temps à pourvoir.
Dans l’ensemble, cette conjoncture s’est traduite par une croissance soutenue de la rémunération des travailleurs, qui se maintiendra si l’économie au pays et à l’étranger continue de prospérer. Mais les perspectives sont incertaines. La performance du Québec dépendra également de sa capacité à combler son écart de productivité au travail avec le reste du Canada.
Le taux d’emploi des personnes en âge de travailler au Québec est maintenant le plus élevé au Canada
La croissance de l’emploi au Québec a été impressionnante en 2019, du moins jusqu’en novembre. Selon l’Enquête sur la population active (EPA), la progression du marché du travail s’est accélérée tout au long de l’année, atteignant un rythme de 3,1 % en septembre par rapport à l’année précédente. Toutefois, une chute marquée en novembre a ramené la croissance à un taux de 1,0 %. Par ailleurs, selon l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) auprès des entreprises, la masse salariale des employeurs a augmenté de 2,7 % par rapport à l’année précédente en septembre. Les analystes sont impatients de voir si les chiffres de Statistique Canada sur la masse salariale au quatrième trimestre montrent eux aussi des signes de faiblesse, puisque ces deux statistiques divergent parfois.
La croissance cumulative de l’emploi au Québec ces dernières années a été particulièrement impressionnante vu le vieillissement de la population. Au début de 2015, le taux d’emploi des Québécois en âge de travailler – les 15 à 64 ans ayant un emploi – était de 72,3 %, soit à peu près le même que dans le reste du Canada. Depuis, il a bondi de 3,7 points de pourcentage à 75,9 %, malgré une baisse de 0,7 point de pourcentage en novembre. En conséquence, le Québec a aujourd’hui le taux d’emploi le plus élevé au pays.
Les gains enregistrés depuis 2015 reflètent les progrès réalisés tant chez les jeunes que chez les 25 à 54 ans. Dans ce dernier groupe, l’augmentation a été particulièrement marquée chez les immigrants récents et les membres des Premières Nations, dont les taux d’emploi accusent généralement un retard plus important sur ceux de la population en général au Québec que dans le reste du Canada. Ce bond du taux d’emploi est manifeste dans les zones urbaines comme non urbaines.
Les postes vacants de plus en plus difficiles à pourvoir
La création d’emplois a été effrénée pendant la majeure partie de l’année, et pour les employeurs, pourvoir les postes vacants est un défi croissant. Avant la récente reprise du marché du travail, le taux de vacance au Québec maintenait un retard important par rapport au reste du pays, selon Statistique Canada. Toutefois, à mesure que les conditions se sont améliorées, ce taux est passé de 2,1 % au deuxième trimestre de 2015 à 3,9 % quatre ans plus tard. De plus, les employeurs mettent plus de temps à pourvoir les postes : la proportion de postes vacants depuis au moins 60 jours est passée de 15 % à 20 % au cours de la même période, toujours selon Statistique Canada.
Un marché du travail fort stimule la rémunération
Un faible taux de chômage combiné avec une âpre concurrence entre les employeurs, et les chèques de paie des Québécois gonflent. Selon l’EERH, la rémunération hebdomadaire moyenne au troisième trimestre a augmenté de 4 % par rapport à l’année précédente, en raison d’une augmentation de 3,1 % du salaire horaire et d’une hausse de 0,9 % des heures hebdomadaires moyennes. Compte tenu de la volatilité typique des données salariales canadiennes, il est particulièrement réjouissant de constater que le rythme annuel de croissance de la rémunération au Québec est tombé sous les 2,5 % lors d’un seul trimestre ces deux dernières années et demie.
Combien de temps durera cet essor au Québec?
Le marché du travail québécois a connu quelques années exceptionnelles. Mais comme dans le reste du Canada, on se demande si cet essor se poursuivra, surtout à la lumière du recul observé au quatrième trimestre jusqu’à maintenant.
1. Le Québec a-t-il atteint le plein emploi?
Comme le taux d’emploi des Québécois en âge de travailler se situe déjà bien au-delà de ses sommets antérieurs, nous pourrions approcher d’un point où la difficulté accrue à trouver des travailleurs pourrait inverser la tendance. Cependant, nous ne savons pas où se situe cette limite.
2. L’économie de la province est-elle assez forte pour maintenir la croissance de l’emploi?
Même s’il est possible d’améliorer davantage le marché du travail, l’économie coopérera-t-elle? Tout au long de 2019, la croissance de l’emploi au Canada a mieux fait que d’autres mesures de l’activité économique, comme la croissance du PIB réel, mais les prévisions pour 2020 ne prévoient pas d’amélioration notable. Si les projections de croissance modérée se confirment, la demande de travailleurs pourrait se refroidir, ce qui freinerait la croissance de l’emploi. Néanmoins, le ralentissement de la croissance de l’emploi ne sonnerait pas pour autant le glas du marché du travail au Québec compte tenu des progrès importants réalisés ces dernières années. Il ne faudrait ni plus ni moins qu’une récession pour effacer le gros de cette avancée.
3. Comment réagiront les employeurs à une hausse continue de la rémunération?
La rémunération hebdomadaire augmente à un rythme soutenu malgré la faible croissance de la productivité à l’échelle nationale et la stabilité de l’inflation. Si ces tendances se poursuivent en 2020, les coûts de main-d’œuvre pourraient augmenter au détriment des bénéfices des entreprises. Le cas échéant, reste à savoir combien de temps les employeurs mettront à s’adapter et comment ils s’y prendront.
Le marché du travail québécois a fait des progrès impressionnants ces dernières années. La province doit cependant accroître sa productivité pour continuer à progresser et rattraper son retard par rapport à la rémunération moyenne nationale. Combler les écarts de productivité et de rémunération tout en maintenant la vigueur actuelle du marché du travail sera essentiel pour assurer la prospérité à long terme dans un contexte de perspectives économiques incertaines à l’horizon 2020.
Méthodologie
Les données présentées ici correspondent à celles de l’Enquête sur la population active jusqu’en novembre 2019, de l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail jusqu’en septembre 2019 et de l’Enquête sur les postes vacants et les salaires jusqu’au deuxième trimestre de 2019.