En 2018, la lente diminution du chômage devrait se poursuivre et les salaires réels devraient être moins dynamiques que l’année passée. Il ne faudra pas sous-estimer les menaces qui pèsent sur la reprise actuelle. A l’inverse, des avancées significatives sur les principaux dossiers européens pourraient améliorer les perspectives de l’emploi et de l’investissement.
Le chômage devrait continuer sa lente décrue grâce à la croissance de l’activité et une démographie favorable
Au troisième trimestre 2017, le chômage au sens du BIT a diminué de 0,3 % sur un an à 9,7 %. Avec une croissance estimée à environ 2 % sur 2018, le chômage devrait continuer de baisser pour s’établir à 9,4 % au milieu de l’année 2018 d’après l’INSEE.
Avec le vieillissement de la population et les nouvelles entrées sur le marché du travail, le facteur démographique sera déterminant. Si les créations de postes rendues possible par le retour de la confiance et de la croissance sont supérieures à l’augmentation de la population active (les nouveaux arrivants sur le marché du travail nets des départs), la baisse du chômage au sens du BIT sera facilitée. Ainsi sur les trois premiers trimestres de 2017, la hausse de la population active (+148 000 personnes) a été inférieure à celle de l’emploi (+219 000), ce qui a joué en faveur de la diminution du chômage. Les prévisions de l’INSEE pour le premier semestre 2018 s’établissent à +42 000 personnes dans la population active et +68 000 créations d’emploi, soit un différentiel de seulement 26 000 : les chiffres du second semestre seront donc déterminants.
Dans ce contexte, le nombre d’annonces non pourvues (estimé entre 200 000 et 330 000 en 2017 par Pôle emploi), qui pourrait refléter l’inadéquation de l’offre et de la demande sur le marché du travail, devrait rester un enjeu de première importance.
Emplois précaires contre CDI, Pôle emploi contre BIT ?
Si la quantité d’emploi devrait augmenter, il n’en sera pas forcément de même de la qualité. La méthode de mesure du BIT, utilisée par l’INSEE, et qui sert dans les comparaisons internationales, exclut les personnes ayant travaillé plus d’une heure pendant une semaine de référence. Ce qui mène à ne pas comptabiliser dans les chiffres du chômage des personnes qui travaillent quelques heures par mois (par contrainte ou par choix) et qui chercheraient un autre emploi. A l’inverse, Pôle emploi recense les demandeurs d’emploi ayant une activité réduite à travers les catégories B et C. Or fin décembre 2017, le nombre de demandeurs d’emploi des catégories A, B et C était, lui, en augmentation de 2,7 %. Avec le développement de l’économie numérique, de plus en plus de personnes sont susceptibles de se trouver dans un trappe à emplois à durée réduite, qu’ils soient salariés ou indépendants.
Les données Indeed montrent en tout cas un intérêt croissant des candidats pour les CDI et les postes de « freelance », et une stagnation tendancielle des CDD sur 2017. Les postes à temps partiel connaissent une légère augmentation mais constituent une part particulièrement faible du nombre des recherches. La dichotomie du marché du travail français n’est donc pas prêt de s’atténuer.
Les salaires réels progresseront moins rapidement qu’en 2017
Après une année 2017 qui a vu le salaire moyen par tête dans les branches marchandes non agricoles augmenter de 2,1 % (1,2 % en termes réels, contre 1,3 % en 2016), l’inflation et la hausse de la CSG, non totalement compensée dès 2018 par les baisses de charges sociales, devraient atténuer le dynamisme des salaires en 2018. A la mi-année 2018, l’INSEE prévoit ainsi une hausse de 0,5 % du salaire réel contre 1,0 % mi-2017.
Le marché du travail français continuera d’être réformé en profondeur
Du côté des réformes structurelles, les ordonnances de l’année 2017, en cours de ratification par le Parlement, ont rendu le marché du travail plus flexible via notamment la possibilité de recourir à des accords de branche ou d’entreprise ou la limitation des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif. Les réformes de l’apprentissage et de formation professionnelle ainsi que de l’assurance chômage sont au programme du premier semestre 2018. Ces réformes ne devraient toutefois pas produire d’effet notables dès 2018, mais elles sont susceptibles d’avoir des conséquences importantes sur la confiance, et donc aussi peut-être sur l’investissement et l’emploi.
Le déblocage de l’Europe pourrait changer la donne
Le marché de l’emploi français sera également suivi de près par l’Union européenne. Après la renégociation de la directive sur les travailleurs détachés, le gouvernement français a en effet besoin de soutiens au Conseil pour faire avancer son projet d’Europe plus protectrice. L’approfondissement de la zone euro, via notamment la création d’un budget de la zone euro, pourra avoir des répercussions sur le marché du travail, la confiance et l’investissement, surtout s’il inclut une composante fortement redistributive entre les pays comme un mécanisme d’indemnisation du chômage.
Le contexte international instable est une menace pour la reprise
Enfin, le niveau de valorisation des actifs sur les marchés mondiaux, en particulier des actions, est élevé. Aux Etats-Unis, pays qui d’habitude donne le “la”, les indices sont à leur plus haut historique, ce qui pose la question de l’imminence d’une correction, même si les évolutions des marchés n’ont pas toujours d’effet sur le marché du travail. Le niveau d’endettement en Chine, deuxième économie du monde, continue de faire l’objet d’interrogations. De nombreux facteurs géopolitiques sont également à surveiller, au premier rang desquels les situations en Corée et au Proche et Moyen-Orient. En Europe, le comportement de la Russie, pays qui fait face à des sanctions internationales et qui tient son élection présidentielle cette année, reste à risque. Enfin, la menace terroriste demeure élevée, les précédents attentats ayant eu un impact non négligeable sur le secteur du tourisme en France.