Principaux enseignements :
- Les salaires dans les offres d’emploi augmentent globalement moins que l’inflation sur un an ;
- Pour certains postes difficiles à pourvoir, les employeurs doivent néanmoins tenir compte du pouvoir d’achat pour recruter : les services à la personne, le commerce de détail, la restauration ou encore le nettoyage et l’assainissement affichent des hausses de plus de 6 % ;
- À l’inverse, les salaires dans les offres pour la gestion de projet, la comptabilité, le génie industriel ou le développement informatique affichent des hausses parfois très faibles sur un an.
- Les données laissent entrevoir un possible effet de substitution entre hausse de salaire et possibilité de télétravailler, un arbitrage à disposition des recruteurs.
Entre octobre 2021 et octobre 2022, les salaires proposés dans les offres d’emploi sur Indeed France ont augmenté de 5,2 % en moyenne. Cette augmentation est inférieure à celle de l’indice des prix à la consommation (IPC) calculé par l’Insee, mesuré à 6,2 % sur un an en octobre 2022, et qui sert de référence pour l’inflation. Au deuxième trimestre 2022, le pouvoir d’achat avait ainsi reculé de 1,2 %. L’analyse des salaires dans les offres d’emploi, couplée à l’examen de la tension sur les catégories de métiers, permet d’évaluer les dilemmes des recruteurs et les efforts qu’ils sont prêts à consentir pour satisfaire leur demande de main-d’œuvre.
Les salaires proposés aux candidats augmentent, mais pas suffisamment
La situation reste très contrastée en fonction des métiers. Le commerce de détail, la restauration, la puériculture, le stockage-entreposage et le nettoyage et l’assainissement affichent des augmentations de salaire dans les offres comprises entre 6 % à 7 %. Beaucoup de ces métiers sont traditionnellement peu attractifs pour les candidats en raison de salaires proches du salaire minimum, d’horaires décalés, de tâches pénibles ou d’une image négative. Dans la puériculture ou la restauration néanmoins, les taux de clics par annonce ont augmenté de plus de 20 points de pourcentage sur la période par rapport au taux de clics moyen, parallèlement aux augmentations de salaire.
Les métiers dits « essentiels » pendant la pandémie (santé, transport et logistique, services à la personne, commerce de détail, etc.), qui ont connu une forte croissance du volume d’annonces depuis 2020, affichent ainsi des progressions de salaire dans les offres supérieures à la moyenne : les salaires attachés aux offres dans les soins infirmiers sont en augmentation de 5,9 % sur un an. En début d’année, ils enregistraient déjà une progression supérieure à l’augmentation des prix.
Rappelons que les services à la personne sont portés par des tendances de long terme comme le vieillissement de la population ou la progression des préoccupations environnementales et de santé personnelle, en plus d’être à l’abri des progrès de l’automatisation. Ils représentent donc des débouchés sûrs pour les candidats.
Le télétravail comme alternative aux hausses de salaire ?
Il est frappant de constater que la quasi-totalité des métiers qui voient leurs salaires augmenter plus que la moyenne ne se prêtent pas facilement au télétravail, alors que beaucoup de ceux pour lesquels les salaires stagnent voire baissent ont un grand potentiel de travail à distance. Il pourrait ainsi y avoir un effet de substitution entre hausse de salaire et possibilité de télétravailler : dans la vente et la prospection commerciale, où les postes sont plus accessibles au télétravail que dans le commerce de détail, l’augmentation des salaires n’aura été que de 4,1 % sur un an.
Seuls l’enseignement et la formation (et dans une moindre mesure la construction) affichent des progressions de salaire inférieures à la moyenne et une attractivité en hausse sensible. Les postes qualifiés dans le management, la gestion de projet ou encore le développement informatique proposent des augmentations de salaire mesurées, très inférieures à l’inflation, tout en maintenant leur attractivité. En revanche, le recul du taux de clics par annonce est important dans la comptabilité, l’immobilier, le génie industriel ou encore les ressources humaines.
Peu de risques d’amorçage d’une boucle prix-salaires ?
Les pénuries de main-d’œuvre sur le marché du travail et les augmentations de salaires qui en résultent ont jusque-là joué un rôle limité dans la dynamique inflationniste. L’inflation résulte en effet principalement des difficultés d’approvisionnement et de l’augmentation des prix de l’énergie. Cette dernière se diffuse par l’intermédiaire des coûts de production aux autres biens, y compris les services. Jusqu’à présent, des mesures de politique économique ont permis de limiter l’impact sur le d’achat des ménages, en particulier des plus modestes, pour lesquels les dépenses contraintes (logement, énergie et transport) représentent plus de 40 % du revenu disponible.
Le FMI juge par ailleurs peu probable la mise en place d’un cercle vicieux entre augmentation des salaires et inflation. En France, le SMIC a d’ores et déjà été revalorisé, conformément à la loi, réduisant encore l’écart entre salaire médian et salaire minimum, déjà très faible. En réponse aux pénuries de main-d’œuvre et au chômage malgré tout toujours élevé, une réforme de l’assurance chômage pourrait voir le jour dans les mois qui viennent. Mais la clé d’un futur consensus entre employeurs et salariés réside probablement dans un partage de la valeur ajoutée plus favorable au travail d’une part, et l’augmentation de la productivité d’autre part, qui seule peut garantir des salaires élevés et des emplois de qualité sur le long terme.
Méthodologie
Les augmentations de salaire sont calculées grâce à un modèle à effets fixes par catégorie de métiers et par région sur les offres d’emploi disponibles sur Indeed France entre octobre 2021 et octobre 2022.