L’immigration vers les pays développés a fortement rebondi par rapport à ses plus bas niveaux, atteints pendant la pandémie. Dans certains pays, elle est plus importante qu’en 2019. Comme nous l’avons souligné dans notre rapport sur la mobilité internationale, ce rebond est alimenté par les tensions sur les marchés du travail et des tendances démographiques de long terme, telles que le vieillissement ou la baisse de la population en âge de travailler.
Plus d’un an après le lancement de l’initiative « EU Skills and Talent Package » visant à attirer les travailleurs qualifiés, l’Union européenne a du mal à s’imposer comme une destination attractive face à certains grands pays anglophones, comme l’Australie, le Canada ou le Royaume-Uni.
Points clés :
- Dans la plupart des pays occidentaux, les recherches d’emploi depuis l’étranger ont augmenté par rapport à leurs niveaux d’avant la pandémie. Au Royaume-Uni, au Canada et en Australie, les recherches transfrontalières dépassent leurs niveaux de juin 2019 de 69 %, 74 % et 141 %, respectivement ;
- L’Union européenne, où les recherches depuis l’étranger sont seulement 5 % au-dessus de leurs niveaux de juin 2019, reste moins attractive que le Royaume-Uni, qui a assoupli ses exigences pour les travailleurs extra-européens après le Brexit ;
- Le développement informatique, la restauration et les services à la personne figurent parmi les familles de métiers les plus recherchées dans l’UE par les candidats étrangers ;
- La nationalité des travailleurs étrangers dépend largement du pays où se trouve le poste : la langue, les diasporas et la proximité géographique jouent un rôle important.
La pandémie a, tout au plus, eu un effet transitoire sur les velléités de mobilité des candidats
Les données d’Indeed permettent de documenter précisément et en temps réel l’intérêt des candidats étrangers. Les recherches effectuées par les chercheurs d’emploi étrangers pour des postes basés dans l’Union européenne sont passées de 1,5 % du total des recherches à son point bas en avril 2021 à 2,8 % en juin 2023, soit une augmentation de 82 % depuis le milieu de la pandémie. Cependant, les chercheurs d’emploi étrangers ont montré un intérêt encore plus fort pour le Royaume-Uni, où la part des recherches effectuées par des étrangers est passée de 2,2 % à son point le plus bas en avril 2021 à 5,5 % (soit une augmentation de 146 %). Le Royaume-Uni semble donc être un aimant plus puissant pour les chercheurs d’emploi étrangers, puisque la proportion de recherches transfrontalières a toujours été plus élevée que dans l’Union européenne.
Dans les autres pays occidentaux, ce sont l’Australie et le Canada qui ont attiré le plus de chercheurs d’emploi étrangers. Plus de 17 % des recherches d’emploi pour des postes en Australie proviennent de l’extérieur du pays, un chiffre qui n’avait jamais dépassé 10 % entre 2017 et 2020. Au Canada, près de 11 % des recherches proviennent de l’étranger (contre 5,1 % en avril 2021), bien que cette proportion ait diminué ces derniers mois. Les recherches transfrontalières y représentaient près de 13 % en septembre 2022. Aux États-Unis, la part des recherches en provenance de l’étranger a connu une baisse au premier semestre 2019. Elle s’élevait à 3,2 % en juin 2023, contre 2,1 % en janvier et août 2020, loin de son pic de 4,2 % en février 2019. Ces pays ne sont pourtant pas les plus attractifs au niveau mondial, car les petits pays ont tendance à attirer une plus grande proportion de chercheurs d’emploi étrangers. Parmi les pays disposant d’un site d’emploi Indeed en juin 2023, le Luxembourg, Oman et la Suisse avaient la plus grande part de recherches en provenance de l’étranger (entre 40 % et 75 %).
Une immigration différenciée selon les pays et les professions
Lorsque les chercheurs d’emploi étrangers effectuent des recherches sur Indeed, ils peuvent cliquer sur des offres pour en savoir plus sur chaque poste. Les types de postes qui suscitent le plus d’intérêt de la part des chercheurs d’emploi hors d’Europe dépendent beaucoup de la nationalité des candidats.
L’analyse des clics provenant de l’étranger révèle que les métiers qui ont connu la plus forte croissance de l’intérêt étranger depuis le premier semestre 2019 sont le développement informatique, la restauration, et les services à la personne et les soins, avec des variations selon les pays. Cependant, c’est dans l’origine des chercheurs d’emploi étrangers que les pays affichent les contrastes les plus significatifs.
Dans l’Union européenne dans son ensemble, le développement informatique, représentant à lui seul 8,5 % des clics provenant de l’étranger au premier semestre 2023, a vu sa part augmenter de 1,8 point depuis le premier semestre 2019. Les chercheurs d’emploi indiens, américains et britanniques représentaient ensemble plus de 35 % des clics.
Les soins personnels et médicaux à domicile ont gagné 1 point, représentant 1,7 % des clics étrangers pour les postes au sein de l’Union européenne au premier semestre de l’année. Les chercheurs d’emploi africains, principalement du Nigeria, d’Afrique du Sud et du Zimbabwe, formaient les contingents les plus importants dans cette catégorie.
D’autres catégories professionnelles, comme la restauration, l’installation et la maintenance, et les soins infirmiers, affichent des augmentations de plus de 0,5 point, avec des pays d’origine divers incluant le Royaume-Uni et les États-Unis.
En France, les familles de métiers qui montrent la croissance la plus significative en termes de clics étrangers sont différentes de celles des autres grands pays européens et de l’UE dans son ensemble. L’éducation et la formation figurent en tête, avec une augmentation de 1,1 point (atteignant 3,5 % des clics étrangers au premier semestre 2023). Ce sont les Américains, les Marocains, les Tunisiens, les Britanniques et les Canadiens cliquent sur ces postes le plus fréquemment.
Dans d’autres catégories avec une croissance dépassant 0,5 point (installation et maintenance, transport routier, développement informatique et assistance médico-technique), les clics des pays du Maghreb sont nombreux. Ils représentent plus de la moitié du total dans le transport routier et plus de 40 % dans l’installation et la maintenance ou le développement de logiciels.
En général, les étrangers sont plus susceptibles de cliquer sur des offres d’emploi lorsqu’il y a une présence significative de leur diaspora, ou lorsqu’il y a une proximité linguistique ou géographique. Tout comme les pays du Maghreb en France, les pays du Commonwealth comme l’Inde, le Pakistan, ou le Nigéria représentent une proportion significative des clics étrangers au Royaume-Uni. Il en va de même pour les pays hispanophones comme la Colombie et l’Argentine en Espagne, ou dans une moindre mesure, la Turquie en Allemagne. Ceci est conforme aux prédictions de la théorie économique : les modèles de gravité supposent généralement que la distance, la langue et la culture sont de forts déterminants de la migration.
Focus : Les chercheurs d’emploi ukrainiens privilégient les pays anglophones
Après l’invasion russe de février 2022, de nombreux Ukrainiens, principalement des femmes et des enfants, ont quitté le pays. Parmi ceux qui sont restés en Ukraine, certains cherchent du travail à l’étranger. Signe du manque relatif d’attractivité des marchés du travail de l’UE, les chercheurs d’emploi en Ukraine cliquent sur des postes situés en dehors de l’Union européenne dans près de 75 % des cas. L’Amérique du Nord est très privilégiée, représentant plus de la moitié des clics (34 % pour les États-Unis et 25 % pour le Canada). Le Royaume-Uni (15 %) dépasse largement l’Allemagne (10 %), malgré un nombre nettement plus faible de réfugiés ukrainiens sur le territoire.
Les emplois dans le développement informatique sont de loin les plus recherchés par les candidats ukrainiens aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, représentant 15 % du total des clics ukrainiens vers l’extérieur du pays. Ces emplois peuvent souvent être effectués à distance. Pour certains Ukrainiens, la recherche d’emplois à distance dans le développement informatique peut donc être un moyen d’accéder aux marchés du travail occidentaux tout en restant en Ukraine.
Conclusion
En somme, l’attractivité des emplois européens pour les chercheurs d’emploi étrangers est bien moindre que celle des pays anglophones. Alors même que l’immigration vers les pays développés a rebondi, l’Europe peine à s’imposer une destination recherchée. Pour renforcer la compétitivité, il semble essentiel d’améliorer l’attrait de l’Europe en tant que pôle d’emploi mondial. Des accords spécifiques avec d’autres pays et l’exploitation des atouts des régions de l’UE pourraient aider à attirer les compétences souhaitées.
Méthodologie
Cette analyse se concentre sur les pays où Indeed a un site web, où la recherche ou le clic est enregistré, et sur les pays de la localisation IP de l’utilisateur. Cela est pertinent pour définir les recherches et les clics domestiques et transfrontaliers.
Une recherche domestique est effectuée par un utilisateur dont la localisation IP est dans le même pays que le site web Indeed sur lequel il a effectué la recherche. Une recherche transfrontalière est celle effectuée par un utilisateur situé dans un pays différent de celui du site web Indeed utilisé pour effectuer la recherche.
Les recherches ou clics intra-UE ne sont pas considérés comme transfrontaliers dans l’analyse.
Un clic est l’action de l’utilisateur de cliquer sur une offre d’emploi dans les résultats de recherche, ce qui ouvre la description complète de l’emploi. Nous interprétons cela comme une démonstration d’intérêt pour un poste spécifiquement listé. Comme dans le cas des recherches, les données sur les clics sont anonymisées et ne peuvent pas être retracées jusqu’aux utilisateurs individuels.
