Principaux enseignements :
- La proportion d’offres d’emploi sur Indeed indiquant que la maîtrise du français est facultative atteint en moyenne 4,1 % entre septembre 2023 et août 2024.
- La France se situe en position médiane parmi les pays européens étudiés : aux Pays-Bas, 7,8 % des offres mentionnent que le néerlandais n’est pas nécessaire, contre 2,4 % en Irlande pour l’anglais.
- Les familles de métiers avec les plus grandes proportions d’offres d’emploi pour lesquelles le français n’est pas requis sont le nettoyage (11,1 % des offres), la restauration (7,0 %) et l’agriculture-foresterie (5,6 %).
- Six de ces dix premières familles de métiers se situent dans le tiers inférieur de la distribution des salaires.
En France, les immigrés représentaient 11,1 % de la population active en 2021. Parmi les personnes âgées de 18 à 59 ans récemment arrivées en France en 2019-2020, 29 % ne comprenaient pas le français, 30 % ne le parlaient pas, 33 % ne le lisaient pas et 35 % ne l’écrivaient pas. Les cours de langue restent donc essentiels pour améliorer l’accès à l’emploi et l’intégration sociale de ces actifs. Néanmoins, certains employeurs sont prêts à se passer de la maîtrise du français pour pallier le manque de candidats. Ces offres d’emploi qui exemptent explicitement les candidats de parler ou comprendre le français restent relativement marginales et se concentrent dans certains secteurs.
Maîtriser la langue nationale n’est pas toujours nécessaire
La proportion d’annonces sur Indeed France ne nécessitant pas explicitement la maîtrise du français s’élève à 4,1 %. C’est plus faible qu’aux Pays-Bas (où 7,8 % des offres ne requièrent pas le néerlandais) ou qu’en Espagne (5,8 % des offres pour l’espagnol). L’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Irlande affichent en revanche des valeurs plus faibles, entre 2,4 % et 3,9 %. Ces pourcentages sont relativement inchangés lorsqu’ils sont corrigés des effets de structure dus aux répartitions des offres par familles de métiers.
Les postes faiblement rémunérés font plus souvent l’impasse sur le français
Alors que les compétences linguistiques sont déterminantes pour une intégration réussie, certains employeurs préfèrent y renoncer pour élargir le vivier des candidats, notamment pour des postes à bas salaires ou difficiles à pourvoir. Les compétences en français sont plus souvent mentionnées comme optionnelles dans le nettoyage (11,1 % des offres) et la restauration (7,0 %). Les autres familles de métiers affichant un niveau élevé de flexibilité linguistique comprennent l’agriculture-foresterie (5,8 % des offres), la défense et la sécurité publique (5,5 %), le transport routier (5,2 %), la construction (5,1 %), ainsi que les soins personnels et à domicile (5,0 %). À l’inverse, les familles de métiers pour lesquelles cette proportion est moindre se trouvent chez les cadres, notamment dans les ressources humaines, la banque-finance, la pharmacie ou l’assurance.
Dans les emplois qui nécessitent de nombreux contacts avec des clients et partenaires commerciaux principalement francophones, l’absence de compétences linguistiques peut rendre l’accomplissement des tâches plus difficile. Il en va de même pour les emplois nécessitant un niveau élevé de connaissances et une conformité stricte aux lois et réglementations — par exemple dans les domaines du droit, de la comptabilité ou de la pharmacie. Dans ces domaines en particulier, le sujet réside probablement moins dans la flexibilité des entreprises que dans la nature même des professions. Il existe en outre une forte corrélation négative entre le niveau moyen de salaire proposé et l’utilisation de l’indication « Français non requis » dans les offres d’emploi : les emplois qui renoncent au français se trouvent presque exclusivement dans les métiers à bas salaires.
Renoncer à la maîtrise du français est aussi un signal qui vise à montrer une ouverture aux personnes d’origine étrangère déjà présentes en France ou aux nouveaux arrivants. Il est plausible que les entreprises recrutant dans les segments supérieurs de la distribution salariale s’appuient aussi sur d’autres signaux, comme le parrainage de visas ou la prise en charge des coûts d’un déménagement international pour attirer des candidats établis à l’étrangers. En France et en Espagne, certaines professions qualifiées présentent en outre des proportions non négligeables d’offres qui ne requièrent pas le français ou l’espagnol. Cela pourrait s’expliquer par le besoin de main-d’œuvre des entreprises internationales dans les pôles financiers et technologiques de ces pays. Par exemple, un banquier d’investissement anglophone à Paris ou un développeur informatique à Barcelone. Il pourrait s’agir de télétravailleurs ou de collaborateurs en présentiel au sein d’une entreprise internationale. L’externalisation Nord-Sud en Europe pourrait également jouer un rôle, motivée par des différences de coûts et/ou les préférences de localisation des collaborateurs.
Des disparités au sein des familles de métiers en fonction des postes
Les intitulés de poste au sein trois familles de métiers affichant la plus grande proportion d’annonces d’emploi comportant l’indication “Français non requis” ne sont pas logés à la même enseigne. Dans l’agriculture et la foresterie, ce sont principalement les emplois de vendangeur qui signalent que la maîtrise du français n’est pas nécessaire (pour 11,0 % des annonces). Suivent les fleuristes (9,6 %) et plus loin les jardiniers (6,7 %). Dans la restauration, les employeurs sont prêts à se passer du français pour 9,6 % des postes de commis de cuisine et de cuisiniers et 7,2 % des emplois de serveurs. Dans le nettoyage, ce sont les annonces d’employés de ménage, d’agents d’hygiène et de femmes de chambre qui mentionnent explicitement le fait que le français est facultatif, avec des proportions comprises entre 13 % et 17 %.
En conclusion, bien que la maîtrise du français reste une exigence dans la majorité des métiers en France, certains employeurs font preuve de flexibilité pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, notamment dans les métiers peu attractifs. Renforcer les compétences linguistiques des immigrés pourrait faciliter l’accès à l’emploi des personnes d’origine étrangère, tout en répondant aux besoins croissants en main-d’œuvre de certains métiers.
Méthodologie
Cette analyse repose sur un attribut introduit en 2022 collecté à partir des données des offres d’emploi. Cet attribut indique si la connaissance de la langue principale du pays est explicitement non requise pour le poste. Cette analyse concerne les annonces d’emploi pour lesquelles cet attribut a été proposé, c’est-à-dire uniquement celles créées directement sur le site Indeed. Pour disposer d’un stock d’offres d’emploi stables après l’introduction de l’option, la période retenue pour l’analyse est composée des 12 mois jusqu’à août 2024.