L’essentiel : 

Cycle économique : En 2025, les gains salariaux et de pouvoir d’achat devraient rester limités tandis que le taux de chômage français restera proche de ses niveaux actuels. Les créations d’emplois continueront de ralentir et l’inflation devrait rester sous contrôle.

Contexte international : La guerre en Ukraine, les conflits au Moyen-Orient et les tensions commerciales généreront de fortes incertitudes pour les secteurs exposés au commerce et aux prix des matières premières. Des opportunités se présenteront dans les secteurs liés à la défense, mais l’investissement public devra initier la dynamique.

Choix politiques : La rigidité du marché du travail, la faible productivité et l’état des finances publiques rendent le modèle français particulièrement vulnérable au contexte actuel. Des choix structurants seront nécessaires pour assurer la compétitivité du pays et le financement de la protection sociale.

Alors que l’adaptation aux transformations technologiques, sociales et climatiques redéfinit les priorités nationales, la France devra relever en 2025 des défis cruciaux. Entre modernisation du marché du travail et transition vers des secteurs stratégiques, les choix politiques décideront de la prospérité future du pays. La capacité à concilier emplois de qualité, équilibre budgétaire et cohésion sociale sera déterminante pour préserver le niveau de vie des Français.

La prospérité par le travail : l’enjeu du pouvoir d’achat

L’année 2024 a été marquée par le reflux l’inflation sous la barre des 2 %, sans récession ni hausse sensible du chômage, mais au prix d’un ralentissement de l’activité économique qui s’est notamment traduit sur le marché du travail par une diminution du volume d’offres d’emploi (plus de -20 % sur Indeed depuis le début de l’année). Le taux d’emplois vacants se situe à présent nettement sous sa tendance 2015-2019, période qui va de l’inversion de la courbe du chômage (après la crise de 2008) au début de la pandémie de Covid. Les opportunités sur le marché du travail vont probablement continuer à se raréfier à mesure que la normalisation se poursuit, et un retour vers les niveaux de fin 2019 semble plausible. Début décembre, le volume d’offres d’emploi sur Indeed était 33 % au-dessus de son niveau du 1er février 2020. Le nombre de plans sociaux, tout comme celui des défaillances d’entreprises, continuera à augmenter : c’est la conséquence de la fin des aides mises en place pendant la pandémie.

Diagramme linéaire montrant l’évolution entre 2011 et 2024 du taux d’emplois vacants, corrigé des variations saisonnières. Les données proviennent de la Dares.
Diagramme linéaire montrant l’évolution entre 2011 et 2024 du taux d’emplois vacants, corrigé des variations saisonnières. Les données proviennent de la Dares.

L’épisode inflationniste laisse des prix durablement plus élevés qu’avant la pandémie, qui pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat de la moitié des ménages. Contrairement aux plus aisés qui peuvent compter sur des gains salariaux et des revenus du patrimoine pour compenser l’inflation, les ménages situés dans la première moitié de la distribution des niveaux de vie ont vu leur pouvoir d’achat chuter malgré les aides. Pour les 10 % les plus modestes, la perte atteint 510 euros par an. L’augmentation des salaires en 2025 restera de surcroît probablement limitée. Une hausse moyenne de 1,6 % en glissement annuel dans les offres d’emploi, qui préfigure celle des salaires, a été observée en octobre 2024 sur Indeed, un rythme supérieur à l’augmentation des prix (1,3 % sur un an en novembre) mais bien en deçà des attentes dans un contexte de crise du pouvoir d’achat. Si cette prudence salariale contribue à soutenir les marges et la compétitivité des entreprises françaises, elle bride la consommation, principal moteur de la croissance.

Le taux de chômage devrait rester relativement stable à 7,4 %. Il est la conséquence de l’inadéquation entre l’offre et la demande de travail, alimentée par le déficit de compétences, le manque d’attractivité de certains emplois ou plus généralement la rigidité du marché du travail. Le halo du chômage, qui touche 4,3 % des 15-64 ans, illustre cette exclusion durable de nombreux travailleurs potentiels. La pénurie de main-d’œuvre touche d’abord les métiers peu attractifs (dans la restauration, les services à la personne ou le nettoyage), avec des volumes sur Indeed jusqu’à 2 à 3 fois plus élevés qu’avant la pandémie. Plus de 15 000 emplois ont été détruits au deuxième trimestre 2024, signalant un ralentissement attendu après une reprise post-Covid soutenue. Depuis fin 2019, le taux d’emploi a en effet augmenté dans toutes les catégories de population, gagnant 2,3 points à 69,1 %. L’augmentation du taux d’emploi restera probablement un objectif prioritaire dans les années à venir quelle que soit l’orientation politique du gouvernement en raison de son importance pour le financement de la protection sociale, l’équilibre des finances publiques et la croissance.  À plus long terme, les points relevés lors des perspectives pour le marché du travail l’année dernière restent valables, notamment ceux qui tiennent à la qualité des emplois : les enjeux de formation (avenir de l’apprentissage, seniors), de numérisation (intégrer la donnée et l’intelligence artificielle) et les enjeux sociaux et humains (répondre à la quête de reconnaissance des salariés et redonner des perspectives aux actifs « bloqués » dans des métiers ou des carrières peu valorisées socialement) sont incontournables pour maintenir le niveau de vie de la population.

Diagramme linéaire montrant l’évolution trimestrielle entre 2007 et 2024 des créations nettes d’emploi, corrigées des variations saisonnières. Les données proviennent de l’Insee.
Diagramme linéaire montrant l’évolution trimestrielle entre 2007 et 2024 des créations nettes d’emploi, corrigées des variations saisonnières. Les données proviennent de l’Insee.

La prospérité par la puissance : le défi géopolitique

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis a ravivé les craintes sur la croissance européenne, via un accroissement des risques sur le commerce international et la sécurité sur le continent.

Une hausse des tarifs douaniers entre l’Europe et les États-Unis pourrait cibler les secteurs exportateurs français, au premier rang desquels l’agroalimentaire, le luxe et l’aéronautique. Combinées à une désorganisation des chaînes d’approvisionnement mondiales, ces taxes augmenteront les coûts de production et limiteront l’accès aux marchés étrangers. Les industries exportatrices françaises pourraient voir leurs marges se contracter, réduisant ainsi leur capacité à investir et à embaucher. Les retards dans l’approvisionnement en matières premières, associés à la hausse des coûts logistiques, continueront de menacer les entreprises. La situation au Moyen-Orient fait peser un risque sur les prix et l’approvisionnement en gaz et en pétrole. Cette situation paraît particulièrement inquiétante pour les PME, qui disposent de moins de moyens pour absorber ces surcoûts. Les effets cumulés sur l’emploi pourraient être significatifs, notamment dans les bassins d’emploi où l’activité industrielle domine.

Enfin et surtout, les tensions géopolitiques en Europe, exacerbées par la guerre en Ukraine et le risque d’un élargissement du conflit, représentent une menace inédite pour la sécurité et la prospérité des pays européens. Le choix du gouvernement français d’augmenter le budget de la défense (désormais le deuxième poste de dépenses publiques avec 50,5 Mds€, après l’éducation) pourrait permettre de structurer un écosystème industriel autour de la base industrielle et technologique de défense (BITD), avec à la clé des opportunités d’emplois qualifiés dans un domaine où la France possède des avantages comparatifs. L’industrie de la défense employait 330 000 personnes en 2017 ; ajoutés aux 270 000 militaires d’active, c’est l’équivalent d’environ 2 % de la population active qui sont directement impliqués dans la défense nationale. 

L’industrie de la défense est, en tant que partie intégrante de l’industrie manufacturière, un secteur stratégique pour la compétitivité et la souveraineté nationales. Au-delà des emplois directement liés à la fabrication, elle soutient un vaste réseau de sous-traitants et de prestataires dans des domaines tels que la recherche et développement, la logistique, la maintenance et la cybersécurité. Ajoutés à ceux des secteurs d’intérêt vital et notamment de l’énergie (dont le nucléaire), ces emplois, souvent très qualifiés, sont répartis sur l’ensemble du territoire, participant ainsi à la cohésion territoriale, au développement des compétences et à l’investissement dans l’innovation.

L’urgence des choix politiques et sociaux

La dureté de ces enjeux contraste avec la fragilité de l’économie française, symptôme le plus évident de problèmes structurels bien connus qui vont de la rigidité du marché du travail décrite précédemment au déficit d’innovation ou aux obstacles à la mobilité.

L’investissement dans les industries de défense ne pourra qu’en partie compenser le déficit d’innovation. L’adoption de l’intelligence artificielle reste limitée en France, malgré son potentiel pour transformer le marché du travail. Si les offres d’emploi liées à l’IA générative ont progressé de manière spectaculaire (+6,8 fois en un an sur Indeed), elles ne représentent qu’une fraction des annonces (0,2 % des annonces sur Indeed en France, et 2 % pour l’IA au total). Pour le moment, seules les annonces pour des métiers techniques très qualifiés (dans les mathématiques, les statistiques et la R&D) mentionnent l’IA générative plus d’une fois sur cent. À plus long terme, l’IA pourrait être un moteur clé pour combler le déficit de productivité identifié à l’échelle européenne, mais cela nécessitera des efforts coordonnés entre le secteur public et privé.

Tableau présentant les catégories de métiers pour lesquelles la part des offres mentionnant l’intelligence artificielle générative est la plus élevée sur Indeed en France. Les données proviennent d’Indeed.
Tableau présentant les catégories de métiers pour lesquelles la part des offres mentionnant l’intelligence artificielle générative est la plus élevée sur Indeed en France. Les données proviennent d’Indeed.

Catalyseur de la mobilité des cols blancs, le télétravail est proposé dans près de 12 % des offres d’emploi, et cette proportion s’est maintenue sur l’année 2024. Il n’y a donc pour le moment pas de « retour en arrière » de la part des entreprises, d’autant plus que la publication d’une offre proposant du télétravail représente un engagement de l’employeur dans la durée vis-à-vis du candidat sur le poste considéré. L’essor du télétravail ne suffit cependant pas à rendre l’immobilier plus accessible à ceux qui doivent habiter près de leur emploi dans les bassins très tendus. Les prix de l’immobilier continuent d’entraver la mobilité des étudiants et des jeunes actifs sur le marché du travail. Les taux d’emprunt relativement élevés et l’insuffisance chronique de construction de logements neufs ont contribué à l’effondrement des transactions immobilières, qui en plus de gripper la mobilité des actifs, a également entraîné une baisse importante des recettes fiscales.

Diagramme linéaire montrant l’évolution entre depuis 2020 de la part des offres mentionnant la possibilité de télétravailler. Les données proviennent d’Indeed.
Diagramme linéaire montrant l’évolution entre depuis 2020 de la part des offres mentionnant la possibilité de télétravailler. Les données proviennent d’Indeed.

Le problème budgétaire résulte de l’accumulation dans le temps et dans l’espace de ces inefficacités. Il constitue désormais un point de vulnérabilité à part entière. Avec un déficit atteignant plus de 6 % du PIB en 2024, le gouvernement devra trouver une voie pour garantir la soutenabilité de la dette et le financement du modèle social. Les points sur lesquels se focaliseront les débats en vue d’un compromis nécessaire et de plus en plus urgent incluront le financement des retraites, qui représente en France 2 points de PIB de plus que la moyenne de la zone euro, alors même que le niveau de vie des retraités est supérieur à celui des actifs. La réforme de 2023, qui a coûté cher en capital politique, est la cible de plusieurs forces politiques qui souhaitent son abrogation. L’écart entre l’imposition des revenus du travail et ceux du capital, ou le profil des allègements de cotisations pour les salaires compris entre 1 et 3 fois le SMIC, seront également au centre des discussions dans le cas où le gouvernement choisirait la voie des hausses des prélèvements obligatoires pour résorber le déficit.

L’année 2025 s’annonce donc décisive à beaucoup d’égards. Le pouvoir d’achat en berne des classes moyennes, l’accroissement des risques géopolitiques et les problèmes structurels persistants placent une fois de plus la capacité du pays à créer et pourvoir des emplois de qualité au centre des enjeux.